Les grandes dates

En 1927, une première souscription assortie d’une tombola est lancée par les « Gueules Cassées ».

 




Entre 1931 et 1933, les « Gueules Cassées », associés avec « Les Ailes Brisées » et les autres associations de victimes de guerre (les Amputés de Guerre, les Aveugles de Guerre, les Mutilés des yeux, les Plus Grands Invalides …) lancent une souscription nationale assortie d’une tombola qui sera appelée  « La Dette ». Le premier billet est remis solennellement à M. Gaston Doumergue, président de la République, lors de sa visite au domaine de Moussy-le-Vieux. Cette tombola connaît un succès considérable. Les lots vont de la bicyclette à l’avion de tourisme !!!

A noter que dans les années qui suivirent la fin de la Première Guerre mondiale, de nombreuses loteries étrangères firent leur apparition dans notre pays : les sweepstakes irlandais et luxembourgeois, les loteries espagnoles et maltaises plus ou moins autorisées, sont proposées au public. L'Etat s'en émeut car il faut empêcher l'évasion des capitaux vers l'étranger.







Les mutilés de guerre font la « réclame » pour la Dette devant l'Hôtel des Invalides



En 1933, devant le succès remporté par « La Dette », l’Etat crée la Loterie Nationale au profit des anciens combattants et des calamités agricoles, dans la cadre de l’article 136 de la loi de finances votée le 31 mai 1933.
La mémoire collective conserve le souvenir du 1er gagnant de la Loterie Nationale M. Bonhoure, coiffeur à Tarascon, qui gagna le 7 novembre 1933, la somme de 5 Millions de Francs. Pour la petite histoire, il fit don de son salon de coiffure à son commis.

Les billets émis et vendus par les services de l’Etat, au prix facial de 100 Francs de l’époque, ne sont pas accessibles au plus grand nombre.
Les « Gueules Cassées » ont alors l’idée d’acheter les billets à l’Etat, de les fractionner en « dixièmes » qui seront ensuite revendus au public à un prix abordable.
Mais ils sont imités par d’autres associations et organismes peu scrupuleux qui multiplient des irrégularités.


En 1935, l’Etat réglemente le fractionnement des billets entiers en dixièmes, officialisant ainsi la profession d’Emetteurs de la Loterie Nationale.
Les « Gueules Cassées » peuvent alors développer un service structuré d’émission de dixièmes, en leur Siège social, installé alors à Paris.
Ceux-ci développent leur réseau de distribution, en confiant d’abord la diffusion de leurs dixièmes aux membres de l’association, puis à des courtiers.

L’honorabilité des « Gueules Cassées » leur permet très rapidement de décupler la vente de leurs dixièmes. Ils sont aidés en cela par la chance qui fait, qu’à de nombreuses reprises, le gros lot tombe entre les mains de gagnants qui ont acheté des dixièmes des « Gueules Cassées », ce qui entraîne à chaque fois une nouvelle augmentation des ventes.


La Loterie Nationale, qui n’avait été créée que pour un an et reconduite par chacune des lois de finances successives, faillit bien disparaître aux termes d’un décret-loi du 12 novembre 1938 qui stigmatisait le « grave danger d’ordre moral des jeux … car l’amélioration des situations personnelles ne doit plus être attendue du hasard… ». Devant l’émoi et l’énergie des associations d’anciens combattants qui craignaient pour la survie de leurs œuvres, un nouveau décret vint repousser à 1942 la suppression de la Loterie Nationale.

Encaissement des gros lots par les « Gueules Cassées » devant la Pavillon de Flore au ministère des Finances.


Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale allait en décider autrement.
La Loterie Nationale ne s’interrompt que quelques mois au début de 1940 et en 1944 pendant les combats de la libération de Paris.
La dimension des billets fut toutefois réduite en raison des pénuries de papier.






Récit

Entre la débâcle et la Libération de Paris, les tirages de la Loterie Nationale ont perduré. Grâce au courage de passionnés.

Son idée fixe, ce fut de faire vivre la Loterie Nationale coûte que coûte.
Élevé dans le sérail, témoin et acteur depuis l'âge de 15 ans, depuis les " Gueules Cassées " jusqu'au
GIE PRELO, en passant par la SLNLN, comme contrôleur de gestion et commissaire aux comptes de la Française des jeux, Michel Billiard a lié une partie de sa vie aux destinées de la Loterie.

La Seconde Guerre mondiale reste, pour lui, un épisode inoubliable.

Il a 19 ans en 1940, et aide les " Gueules Cassées ", détachant les billets ou convoyant les gains. Lorsque les troupes allemandes envahissent la France, la Loterie suspend ses tirages au mois de juin. Ils ne reprendront qu'après la capitulation, en septembre, dans des conditions rocambolesques : " La Loterie avait déplacé son siège à Vichy, où se tenait le gouvernement, mais le Trésor était resté à Paris. De même, la direction des " Gueules Cassées " était passée en zone libre mais les services et la fabrication étaient encore assurés dans la capitale. Il s'agissait donc de passer les billets d'une zone à l'autre… sans autorisation allemande ! Rangés dans de grosses cantines en fer, les carnets de dixièmes étaient acheminés jusqu'à Moulins par un transporteur clandestin. Nous les chargions alors sur une charrette, sans les camoufler, et passions sereinement d'une rive à l'autre de l'Allier, qui tenait lieu de ligne de démarcation, par le pont Reigemorte. "
Ce sont ainsi plusieurs passages à la barbe des occupants que Michel Billiard effectue, avec quelques sueurs froides : " alors que le pont était très fréquenté, nous n'avons éveillé la curiosité allemande qu'une seule fois. En faisant semblant de ne pas entendre l'interpellation, nous sommes tout de même passés, mais l'avertissement, sans frais, avait été sérieux…
Nous décidons donc d'emprunter une route plus tranquille et de traverser la ligne à Toulon-sur-Allier. Mal nous en prit, car les Allemands y avaient installé un point de contrôle ! J'ai été arrêté et il a fallu faire intervenir des personnalités du ministère pour convaincre l'occupant que ces billets de loterie n'étaient ni illégaux ni subversifs. "

Après cette mésaventure, le passage des billets en zone libre, fut confié à la comtesse de Champeaux, une étonnante " sympathisante " : belle femme, souvent vêtue d'une combinaison de pilotage automobile blanche, au volant d'une Hotchkiss transformée en camionnette, la comtesse de Champeaux était un personnage surprenant, se souvient notre interlocuteur. Avec le concours de Georges de Fabry, chef de service aux " Gueules Cassées ", elle passa tranquillement et régulièrement les billets d'une zone à l'autre, sans dommage. Jusqu'à ce que les " Gueules Cassées " bénéficient d'un  " ausweis " qui rendra à la Loterie sa parfaite autonomie. Les billets arrivaient dès lors à Vichy, entre les mains du trésorier général, M. Billiard père, lequel les redistribuait aux délégués régionaux. " La poste ne fonctionnant pas de manière satisfaisante, ces délégués vinrent pendant plusieurs mois jusqu'à Vichy, en train, en voiture ou par tout autre moyen de transport pour prendre livraison des dixièmes avant de les remettre aux revendeurs."

Quatre ans durant, avec des tirages réguliers à la salle Pleyel, et des Emetteurs qui palliaient en permanence les difficultés causées par les pénuries de papier, les défaillances postales, l'irrégularité des trains, le manque de carburant, les tracasseries de l'occupant, les bombardements, la Loterie Nationale continua ainsi, malgré tout, à faire quelques heureux dans un contexte qui ne prêtait pourtant pas beaucoup à l'optimisme. Les billets se vendaient dans des guérites tenues par des grand-mères, à la terrasse des cafés ou dans les débits de tabac. Deux millions de Français tentaient leur chance chaque mois pour le gros lot de cinq millions d'anciens francs. Et les courtiers portaient directement les chèques aux gagnants des gros lots.

En août 1944, lorsque Paris se délivre de l'oppresseur, la Loterie fait une pause. Elle se réorganise dans l'euphorie ambiante et repart de plus belle, dès octobre. De longues années de prospérité s'ouvrent devant elle, comme pour tout un pays à la liberté retrouvée.

Michel Billiard

 



A Marseille, sur la Canebière

Après la guerre, la Loterie Nationale prend un essor nouveau et le rythme de croisière d’un tirage hebdomadaire, auquel s’ajoutent de réguliers tirages de tranches à thème comme la Saint-Valentin, la fête des mères et les fameux VENDREDI 13.

Près d’un Français adulte sur deux est client de la Loterie Nationale grâce au fabuleux réseau commercial, initié par les Emetteurs, qui maille le territoire. Ce réseau est constitué de plusieurs centaines de courtiers, sorte de grossistes, qui diffusent les dixièmes et les billets entiers chez les détaillants, petits commerçants, bureaux de tabac, presse et surtout, dans ces années d’après-guerre, les guérites accolées aux terrasses des cafés ou portes cochères, bien souvent tenues par des veuves de guerre.





 


La Loterie Nationale qui, dès 1936, avait apporté son concours à la société d’encouragement de la race chevaline en organisant des sweepstakes, va se trouver concurrencée par l’invention du Tiercé en 1952. Au fur et à mesure que le chiffre d’affaires du PMU se développe, le chiffre d’affaires de la Loterie diminue de mois en mois, entraînant la disparition de nombreux Emetteurs dont le nombre passe de 80 en 1954 à 19 en 1974.

Ainsi dès 1972, les « Ailes Brisées » confient aux « Gueules Cassées » la gestion de leur émission de dixièmes de la Loterie Nationale. Aujourd’hui encore les « Gueules Cassées » et les « Ailes Brisées » appliquent un partenariat étroit.



 
 
 
 
 

La création du Loto

En 1974, les Emetteurs de dixièmes se regroupent au sein d’un Groupement d’Intérêt Economique, appelé le GIE PRELO, afin de lancer un nouveau jeu pour pallier la baisse du chiffre d’affaires de la Loterie Nationale.

Le GIE s’installe au Siège des « Gueules Cassées » rue d’Aguesseau à Paris.

Après des recherches aux Etats-Unis et en Europe, le modèle du Nordwestlotto allemand est retenu et va être adapté à la France.

Le 10 juillet 1975, Jacques CHIRAC, alors Premier ministre, signe le décret de création du Loto. Il s’agit, sur le plan juridique, d’un « tirage complémentaire de la Loterie Nationale  ».

Les « Gueules Cassées » ont alors un rôle déterminant au plan des montages financier, juridique, informatique et immobilier.
Le premier centre informatique est construit sur les terrains de la maison historique
des « Gueules Cassées » à Moussy-le-Vieux, en Seine et Marne.




Pose de la première pierre du Loto à Moussy-le-Vieux par MM. Maurice Caradet, secrétaire général de la Loterie Nationale, le médecin général inspecteur Claude Chippaux, président des « Gueules Cassées », André Garnier, vice-président, Louis Duroueix, secrétaire général et Maurice Broux administrateur du GIE PRELO.

Une convention de 10 ans est signée entre l’Etat et le GIE PRELO pour l’exploitation du Loto.




Le 19 mai 1976, le premier tirage du Loto a lieu à l’Empire à Paris : les débuts sont lents, la publicité étant interdite pour ce jeu.
Après quelques mois d'un lent démarrage qui faillit bien avoir raison des finances des Emetteurs et principalement des "Gueules Cassées", le LOTO connut un succès fulgurant et durable.


En 1977, un second centre de traitement est construit à Vitrolles, près de Marseille.


En 1978, devant le succès du jeu, la convention pour l’exploitation du LOTO par le GIE PRELO, est résiliée par l’Etat de façon anticipée.
L’Etat crée la Société de la Loterie Nationale et du Loto National (SLNLN), société d’économie mixte. L’Etat prend 51 % du capital, laissant 49 % aux Emetteurs.
Le GIE PRELO perd la responsabilité et la direction du Loto.
En contrepartie de l’abandon des 500 Millions de francs d’immobilisations à l’Etat, une redevance sur le chiffre d’affaires du Loto est versée aux Emetteurs. Elle est fixée en 1978, à 1,5 %, son montant ne cessera d’être renégocié à la baisse par l’Etat.
La SLNLN achète aux « Gueules Cassées » le terrain et les immeubles du centre de Moussy.


En 1983, lancement du TAC O TAC sur proposition des Emetteurs, première loterie mixte, comportant un tirage et un coupon à gratter de loterie instantanée. Le succès est immédiat et relance l’activité d’Emissions. Les Emetteurs, au sein du GIE PRELO, mécanisent la fabrication des carnets, appelée le panachage.


En 1988, l’Etat restructure le capital de la SLNLN qui devient France LOTO.

Les Emetteurs sont contraints de céder une partie de leurs actions à l’Etat, aux salariés de la société et aux courtiers, réduisant ainsi leur participation de 49 à 20 %.

En contrepartie, les Emetteurs obtiennent un contrat d’Emetteur d’une durée de 20 ans qui leur garantit le versement de la redevance sur le Loto dont le taux est ramené à 0,40 % du montant des mises.

En 1989, les premières loteries instantanées sont lancées.

En 1991, France LOTO devient La Française des jeux.
La loterie traditionnelle à tirage est mise en sommeil, elle est détrônée par les loteries instantanées dont le succès est grandissant.
Les « Gueules Cassées » sont alors contraints de licencier le personnel de leurs services de loterie.
La Française des jeux confie au GIE PRELO la commercialisation de la loterie instantanée.

En 1993, Pierre Antonin, Secrétaire général des « Gueules Cassées » est élu président du GIE PRELO.
En 1999, des négociations ont lieu entre la Française des jeux et le GIE PRELO afin qu’il soit mis un terme au contrat de diffusion des loteries instantanées.

Le 31 décembre 1999, les Emetteurs signent un avenant à leur contrat avec la Française des jeux par lequel ils abandonnent leurs droits sur la loterie instantanée, au profit de la Française des jeux.

Le GIE PRELO est mis en sommeil, puis dissous à la fin de l’année 2005.

 

Le 23 septembre 2008, le contrat Emetteur arrive à son terme. Les Gueules Cassées cessent de percevoir la redevance sur les mises du Loto. Les ressources de l'association sont ainsi réduites de 30 %.

 

Le 21 novembre 2019, introduction en bourse de La Française des Jeux : l'UBFT augmente sa participation de 9,23 % à 9,8 % du capital de FDJ.